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Fiat 306/2 Bartoletti "Le Mans Movie" (1970)

Le transporteur que vous allez pouvoir découvrir un peu plus bas, est certainement une des miniatures les plus improbables dans une collection dédiée au cheval cabré puisqu’il n’a jamais officié au sein de la Scuderia Ferrari, et donc jamais officiellement transporté quelque production de Maranello que ce soit, de course ou de route ! Vous pourrez donc imaginer ma longue hésitation avant de l’acquérir et ce n’est que pour la version « Le Mans Movie » que je me suis laissé tenter. Mais avant d’aller plus loin je vous propose de découvrir la genèse de ce camion hors normes.

En 1956, la branche transport du groupe Fiat développe un nouvel autocar, le 306, afin de remplacer le vieillissant 682RN. Construit de 1956 à 1982, trois séries de ce bus seront commercialisées, nommées successivement 306/1, 306/2 et 306/3 respectivement lancé en 1956, 59 et 62. Ce sera le premier autocar dont le châssis n’est plus dérivé de celui d’un camion mais spécialement développé pour dégager plus d’espace intérieur et améliorer le confort de ses passagers. Toujours dans cette optique, le moteur, jusque-là très volumineux, est remplacé par une version dite « à plat » moins encombrante, le fameux Fiat 203. Surnommé « la grosse semelle », ce moteur aidé d’une boite 4 vitesses, est un 6 cylindres horizontal d’une cylindrée de 10 676 cm3 et développant 140 chevaux sur les 306/1 & 2. Cette cylindrée sera portée à 11 548 cm 3 pour 173 ch sur les 306/3.

De l’autre côté de l’Atlantique, Lance Reventlow, propriétaire de l’écurie de course Reventlow Automobiles Inc, commande à la Carrozzeria Bartoletti située à une heure de Modène en Italie, un transporteur pour la saison de Formule 1 de 1960 afin de déplacer ses « Scarab-Chevrolet » d’un grand-prix à un autre. C’est donc un châssis de Fiat 306/2, plus précisément le numéro 306/2.001625, que Bartoletti va carrosser afin d’accueillir trois véhicules, un atelier pour les pièces détachées, de l’outillage et sept mécaniciens, notez que sa première couleur est un bleu assez clair.

Alors que la Formule 1 est progressivement passée au moteur arrière pour accroitre les performances, les F1 de Reventlow et leurs moteurs placés à l’avant ne sont plus assez rapides, et si on ajoute de gros problèmes de fiabilité, la jeune écurie de course sera obligée de mettre la clé sous la porte après seulement cinq courses. Notre transporteur ira trouver refuge pour la fin 1960 et la saison suivante chez Lotus. Il est ensuite renvoyé chez Bartoletti à Forli, pour qu’on lui ajoute un deuxième essieu à l’arrière et un moteur de 306/3, afin de pourvoir transporter des voitures de course plus lourdes que des Formule 1. C’est l’équipe de course America Camoradi qui commandite ces travaux, mais faisant face à de graves problèmes financiers, ne pourra pas honorer la facture des modifications.
C’est finalement pour la saison 64 qu’il est vendu à un certain Carol Shelby, qui le destine au transport de ses redoutables Cobra Daytona Coupé sur les courses d’endurance européennes. C’est à cette occasion qu’il obtient sa livrée la plus connue, aux couleurs du Team Cobra. Pour la saison 65, rien ne change, si ce n’est que Shelby se concentrant sur les courses des Etats-Unis, c’est le « Alan Mann Racing » qui s’occupe de faire courir les Cobra en Europe. Pour 66, le programme Cobra ayant pris fin, c’est toujours Alan Mann qui se sert de notre transporteur, mais pour transporter des GT40 MkII Lightweight. A noter que cette année-là, les barres de renfort sur le toit du camion sont repeintes en blanches.

Les négociations de Ford pour le rachat de Ferrari ayant échoué quelques temps plus tôt avec les conséquences que l’on connait, les dirigeants de Ford ne supporteront plus qu’un camion Italien déplace leurs voitures de courses en courses, et en 1967, notre fier transporteur change de main, en étant racheté par John Woolfe, pour transporter sa Chevron B12 qu’il pilote avec Digby Martland en championnat d’endurance. Ils participeront d’ailleurs cette année-là aux 24 heures du Mans mais devront abdiquer à la troisième heure suite à la casse de leur moteur. La rumeur dit que suite à plusieurs pannes avec le camion, notamment une immobilisation en pleine tempête de neige, Woolfe cessera de l’utiliser en attente de le revendre.
C’est chez David Piper que notre fidèle destrier élit domicile et que commence pour lui la période qui nous intéresse. Comme tous les véhicules de Piper, il est vite repeint en vert BP, manière qu’a le pilote anglais de remercier le célèbre pétrolier d’avoir subventionné ses cinq premières années en course automobile et ainsi lancé sa carrière. Il s’en sert pour transporter ses voitures durant une saison, jusqu’à l’été 1970 où il est embauché par Steve McQueen comme pilote pour tourner son célèbre film « Le Mans ». Ce dernier lui loue aussi pour le film plusieurs de ses voitures et son transporteur Fiat qui sera repeint pour les besoins du film aux couleurs de l'équipe Renault / Mirage, puis dans le design de l'équipe Porsche / Gulf et enfin en rouge Scuderia Ferrari. Malheureusement David Piper aura un grave accident lors du tournage du film et devra être amputé de la moitié de sa jambe droite, mettant fin à sa carrière de pilote. N’ayant plus besoin du transporteur Fiat, il le revend une fois le tournage du film terminé à Anthony Bamford, propriétaire de l’écurie de course JCB Historic qui l’utilise jusqu’en 1976 dans sa livrée du Film, c’est-à-dire « habillé » en Ferrari, en ajoutant seulement des autocollants JCB sur ses flancs.

De 1976 à 82, le camion est loué à l’équipe GTC Mirage pour ses participations aux 24H du Mans avant d’être revendu à Michael Shoen, un Américain auteur du livre «Cobra-Ferrari Wars 1963-1965». Cette première traversée de l’Atlantique ne réussit pas vraiment à notre noble transporteur puisqu’il entame une véritable traversée du désert, au sens propre comme au figuré. Effectivement après s’en être servi quelque temps, le transporteur est pris dans une bataille juridique familiale et il sera laissé à l’abandon dans le désert d’Arizona plus de deux décennies, sur un terrain appartenant au frère de Shoen, spécialisé dans le déménagement et le stockage.

Ce n’est qu’en 2006 que Don Orosco, alors propriétaire de plusieurs Scarab, entend parler du transporteur et de son état déplorable par Carol Shelby. Désireux de le restaurer afin de reformer le couple Batoletti/Scarb, c’est après plusieurs négociations qu’il parvient à l’acquérir. Le travail est colossal, plus de 8000 heures et pas moins de 600 000 dollars seront nécessaires pour rendre de sa superbe à notre transporteur, il sera entièrement démonté pour refaire le châssis, toutes les boiseries seront changées, les logos refondus à partir de moules d’époque, les vitres refaites sur mesure, tout est remis à neuf comme lors de sa toute première livraison. Seule la couleur sera plus proche de celle de l’époque Shelby et le 3ème essieu ainsi que le moteur de 306/3 seront conservés. Le résultat est à la hauteur des espérances d’Orosco, et c'est pour le concours d’élégance de Pebble Beach de 2008, soit quelques 46 ans après, que notre Bartoletti transporte à nouveau des Scarab !

Malgré tout cela, il est revendu en marge du Monterey Historic Automobile Races, en 2012, juste après avoir était remis aux couleurs du team Cobra de Shelby, en 2015 au Goodwood Revival il change de nouveau de propriétaire, pour finalement être racheté en 2018 par les allemands de ChromeCars. Même si à l’époque ce camion n’avait pour vocation que son utilité, il peut se vanter d’avoir transporté quelques-unes des voitures les plus mythiques et avec elles, façonné la grande histoire de la course automobile.

Comme dit au début de cet article, j’ai mis beaucoup de temps à me décider pour acquérir cette miniature hors norme de près de 60 cm de long, 82 cm avec les rampes déployées. Vendue à sa sortie près de 300 euros, j’ai pu le découvrir chez un ami s’étant offert la version Cobra et je l’avais alors trouvé assez cher pour sa fragilité et son aspect « plastique ». Le plus choquant sur cette reproduction, était le choix de Norev de recouvrir les rampes supportant les voitures par un horrible « Venilia » style bois, n’ayant d’ailleurs jamais existé sur le camion 1/1. Ajoutez à cela le fait qu’il n’ait jamais approché « officiellement » de Ferrari et vous comprendrez mes réticences. Toutefois, depuis les environs de septembre 2020, il est assez facile de s’en dégoter un neuf pour à peine plus de 200 euros. C’est donc à ce moment que j’ai craqué pour cette version « Le Mans Movie », étant un fan inconditionnel de l’oeuvre devenue culte de McQueen, possédant, bien sûr des Ferrari 512S mais aussi la Porsche 917 n°21, star du film. Comparé à l’autre déclinaison Ferrari de ce camion, je trouve que les jantes noires et la calandre couleur carrosserie atténuent grandement l’effet plastique. Petite omission de la part de Norev, on peut remarquer sur la deuxième photo de cette article, issue du film, qu'il manque sur la miniature les longues portées sur la calandre. Dès son arrivée, après avoir collé les différentes décalcomanies Ferrari (fournies mais non apposées, certainement une histoire de royalties), je me suis empressé de modifier ces affreuses rampes avec des plaques en aluminium !
Pour rappel, Norev commercialise ce camion en 5 déclinaisons : Team Alan Mann (réf: 187700), Ferrari JCB (réf: 187701), Vert Piper (réf: 187702), Ferrari Le Mans (réf: 187703) et Team Cobra (réf: 187704). Au final, il présente plutôt bien ce transporteur, si on écarte ses horribles rampes et ses barres de toit très très fragiles, c’est un beau gros bébé et je suis satisfait de son acquisition, la bonne surprise vient des soubassements, quasi invisibles sans retourner le monstre, qui sont extrêmement détaillés. Reste maintenant à lui construire une vitrine à sa taille…

























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